Roulant vendredi soir vers mon sud, je me régalais à la radio des performances de chez nous, faites chez les autres, et je me sentais déjà comme sur la plus haute marche de ma première battue. Et je ne me trompe jamais ... Sinon, que je coupe en deux le canon de ma Krosse Karabine si je rendre bredouille, et que mon prochain chevreuil n'aie pas de tête …
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la sauer 202 reprend du service avec frein de bouche ; un brocard photographié par l'auteur ...
La nuit sous l'auvent fut … nocturne. Les couleurs du ciel sur la route, la lourdeur de l'air, l'origine du vent, le scintillement des premières étoiles signant l'humidité des hautes couches atmosphériques, tout cela m'avait fait penser qu'une averse n'était pas impossible en fin de nuit. Comme je déteste me réveiller déjà douché, au vent je ne suis pas resté, et l'auvent j'ai choisi. (1)
Je suis réveillé par Philippe un peu avant six heures, qui m'apporte au lit un café fumant et des croissants chauds à souhait. (2) La troupe se complète petit à petit, et par un prompt renfort nous nous vîmes ... quinze.
Je n'ai que trente mètres à faire pour me poster dans un ruisseau profond, y descendant en partie sur le cul, m'accrochant aux branches pour ne pas risquer une chute. Par chance, quelques ronces aussi secourables que sur-vitaminées m'aident à ne pas glisser trop vite … Une heure après j'entends un chien qui mène, passer un peu trop loin pour palpiter, et les deux tirs appliqués qui suivent. Je les saurai manqués quelques heures plus tard, juste après avoir entendu le souffle d'un cétacé qui refait surface ! Bizarre, d'autant que le ruisseau est à sec ... Ah non, c'est Philippe qui vient d'effectuer un parcours plutôt sportif ; allez, on déposte. Deux autres chasseurs seraient également tombés sur une mauvaise série de cartouches sur l'autre flanc de la battue. La qualité d'avant-guerre n'existe plus.
avant l'attaque
La bonne humeur serait totale si un chien de Bernard n'avait pas été blessé. Le sanglier en cause n'a dû courir qu'une centaine de mètres ou deux, tenant plusieurs fermes, et n'est jamais parti. Ce qui donne lieu à un débat fort intéressant sur notre manière de nous poster. Les postés sont arrivés d'en haut, et doivent effectuer une descente forcément bruyante dans les caillasses, et la population sus-scrofienne qui a l'ouïe fine sait alors qu'il vaut mieux tenir (la place) que courir (le risque d'une balle perdue). Diverses stratégies sont évoquées pour l'avenir : se poster loin, sur le plateau, voire monter vers ces postes. "C'est pas faux", aurais-je pu dire. De toutes façons, c'est plus pour les sportifs et bons marcheurs, ce coin …
Mais quel bonheur de ne pas avoir de gibier à préparer ! Nous causons tranquillement truffes, morilles, fromages rehaussés de raisin, discussion qui relève un casse-croûte frugal mais riche en crudités : jambon cru, fromage au lait cru ... Nous sommes tout heureux des bons moments de chasse qui s'annoncent.
A son retour, Bernard nous apprend que les blessures de son chien ne sont pas trop graves, et qu'il doit le récupérer deux heures plus tard. Sans doute la couture au point de croix prend-elle plus de temps ? Alors que j'avais quasiment remis une tenue civile, Bernard, propose que nous l'aidions à tuer ces deux heures d'une toute petite traquette. Nous adhérons, un bocard passe à deux pas de moi, que je photographie en pro
. Nous nous déplaçons, mais la pendule tourne. Je dois être la maison pour vingt heures, je m'éclipse après avoir envoyé un message au président. Qui m'apprend un peu plus tard que deux sangliers ne mangeront plus de raisins.
elle est pas belle, la vue ?
Alors, me serais-je trompé dans mon optimisme béat ? Que non ! Je rapporte à ma douce bien mieux- selon elle- que tous les chevreuils du monde : de magnifiques tomates d'un jardin aveyronnais et de superbes oignons rescapés du casse-croûte! Merci Bernard, (ou Serge) : il change souvent de prénom...
(1) En réalité, j'avais consulté la météo, mais ça ne colle pas trop pour un récit épique.
(2) les dix premiers mots sont la pure vérité.