Publié : 01 janv. 2014 17:28
Vous n’être pas sans le savoir, pour les sachants, ou sans l’ignorer, pour les ignorants : le coaching fait rage. Pour des questions financières, je me suis rabattu sur un sherpa, une sorte de coach à l’ancienne. Pas payé, juste nourri, et capable de porter de lourdes charges dans les reliefs avec son pied ailé, ou son dos, c’est comme il veut. Sherpa qui n’a pas chervi beaucoup d’ailleurs.
J’avais bouc, c’est lourd et c’est haut. Et bien décati je suis. Le dernier bouc parmi les six du plan, revenant enfin à un serviteur zélé du grand gibier de montagne, avec choix du secteur open aussi. Las quand je suis arrivé, le bouc, ou plutôt le bracelet d’icelui, était parti avec deux chasseurs, et mon secteur était parti aussi. Un petit moment de solitude, mais le chasseur passé avant moi, ou plutôt l’un des deux, est l’un des rares à faire le boulot aussi, alors, c’est comme ça.
Cabri ou éterlou, et le reste du monde comme territoire, feraient baver plus d’un parmi mes innombrables lecteurs. Qu’une poisse insigne accompagne mes pas depuis juillet semble établi, mais ne le répétez pas. 2014 lavera ça.
Je me réconforte en mangeant un croissant de l’une, tandis que de l’autre main je touille mon café, rêvant de jours meilleurs. Le sherpa se fout un peu de ma gueule, c’est son versant coach, mais il faut bien laisser un peu la bride sur le cou des ces êtres frustes … Il est nettement plus costaud que moi, aussi.
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vers le bas de la vallée ; vers le haut : téton de vénus
Un premier trio se révèle au premier kilomètre, en vert(1) Nous le négligeons. Puis mon bouc en orange … La neige est plus profonde, 30 cm au mini, souvent au genou ; je me dis que nous allons faire demi-tour bientôt. Mais le coaching, cette seconde nature de mon sherpa fait son œuvre. Et je le suis, manquant de prendre son talon ailé en Vibram dans ma gueule quand je me rapproche trop. Ce qui reste rare.
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Il me distance d’une trentaine de mètres tandis que je réussi une jolie glissade, tout en protégeant efficacement carabine, lunette, jumelles et apn, et que je finis bloqué en position fœtale au pied d’un genêt. Même pas mal. Tiens, il fait le sémaphore là-haut : c’est chaud ! Il redescend m’aider à franchir ce bout de montagne Alakon (2). J’ai grand mal à voir un, puis des chamois, avec un seul œil opérationnel. Un éterlou je voudrais, que nous ne trouvons pas. Nous sommes à 200 bons mètres de la harde, qui vaque, apparaissant et disparaissant, en surveillant un peu.
Je décide de me rabattre sur un cabri, un grand bouc en herbe, quelque part. Trente minutes s’écoulent, durant lesquelles je ne tire pas l'un deux, car des éclats de balle pourraient blesser la mère, même largement en retrait.
Le plus petiot fera l’affaire à un meilleur moment. Profil parfait, il prend sa dernière mousse, contre le rocher. "Vise la cuisse " dit le coach. "Pff !!! 20 cm suffiront " pensé-je définitivement, ou plutôt "20 cm suffiront", oublié-je bêtement que le maître a testé tellement de tirs lointains avec tellement de zéphyrs, d’alizés et de nordets, qu’il sait bien mieux que moi ...
De mon emplacement bichonné et douillet, de mon réticule absolument immobile et absolument où je le veux sur le petit cabri, je me prépare. Le sac sera assez grand, me décotends-je (2) Je pousse le stecher. Le coach a certainement à cette seconde cette attitude magnanime, distanciée et aidante qui gonfle toujours un peu le client.
"Raté" me dit-il alors que mon tir absolument parfait et totalement mortel vient de résonner! Effectivement le cabri, pas même marri, continuerait presque à becqueter, se retourne quand les mamans prennent la pente et les suit sans affolement. Moi qui craignais une balle de panse en tapant la cuisse, je fais une balle de rien en visant la panse …
Le plus dur est à faire. Vérifier : on n’imagine pas la distance que ça fait, 200 mètres dans 30 à 50 cm de neige avec cette pente ignoble. Il n’y a pas une goutte de sang, et je suis soudain assez heureux. Ca finit bien pour tout le monde. J’ai gagné en humilité, le chamois en espérance de vie, le coach en déconnage à raconter, le sherpa en fatigue …
(1) Si vous voyez en montagne cette petite figure verte, regardez bien autour. Si c’est orange aussi.
(2) C’est un lieu dit
(3) Déconner pour se détendre (TTC)
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tireur au bout de la flèche rouge, tireur orange, tiré rouge
indice de la balle de rien sur chevreuil