Symposium C.I.C

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popey-77
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Message par popey-77 »

Symposium C.I.C

Chasse durable : stratégies et structures d’avenir



La 56ème assemblée du CIC (Conseil International de la Chasse) se tient cette semaine à Paris sur le thème « La chasse : une passion d’avenir ».

En préambule était organisé le 29 avril, sous la houlette de la délégation française emmenée par Victor Scherrer, un symposium sur les « stratégies et structures d’avenir pour la chasse ». L’occasion de comparer notre système français avec celui d’autres pays et les enjeux pour la chasse en Europe.



Le Président de Ponchalon y a présenté (cf. document joint), la « chasse à la française », suivi de représentants des établissements publics et du Président Dulac pour les chasses spécialisées et tout spécialement la vénerie. Ce dernier a indiqué que ce mode de chasse relevait avec un certain bonheur quatre défis modernes :

- S’adapter à l’environnement social,

- Conserver l’accès aux territoires,

- Communiquer

- Créer un esprit militant chez les chasseurs pour mener la guerre aux « animalistes » radicaux.



Le représentant des chasseurs britanniques, Dick Potts, a indiqué que son pays ne connaissait pas la crise… des vocations et que la légitimité de la chasse reposait pour lui sur les actions concrètes des chasseurs en faveur de la biodiversité. Il a regretté que la chasse soit encore trop sur la défensive alors que « nous entrons dans une nouvelle ère où il faut être offensif ».



En Suisse, le poids économique de la chasse ou le coût estimé pour la collectivité de sa suppression (cf. le Canton de Genève), ont évité que des « votations » ne viennent à bout de la chasse dans de nombreux autres cantons.



Le représentant des pays d’Europe Centrale ou de l’Est a estimé que beaucoup d’entre eux ont été trop « naïfs » au moment de rentrer dans l’Union Européenne. D’où de nombreuses difficultés avec le réseau Natura 2000 que les protecteurs –soutenus par les politiques- retournent contre la chasse. Idem avec le loup et l’ours : l’Europe rend difficile les plans de tir de ces espèces, alors qu’elles trouvent dans ces pays leurs plus fortes densités au monde !



Mêmes problèmes qu’à l’Ouest avec les chasses de printemps (grand tétras notamment).

A noter que, suite à une question du député Martin-Lalande, tous les participants se sont plaints des difficultés constatées pour la pratique de la chasse dans les sites Natura 2000… Loin des discours lénifiants de Bruxelles.



Malgré les encouragements au dialogue agriculteurs/chasseurs du Président de l’APCA, Luc Guyau, plusieurs jeunes chasseurs ont fait le constat amer de la « stérilisation » des territoires agricoles, ne permettant plus aux nouvelles générations de chasseurs de trouver une chasse de plaine séduisante et dynamique –que le grand gibier ne saurait aussi aisément procurer.



Les Allemands ont trouvé une solution pragmatique –et qu’ils jugent très efficace- pour « intéresser » le monde agricole aux aménagements de territoire : une prime au gibier tué reversée à l’agriculteur, qui a permis de multiplier par trois les prélèvements de lièvres, semble-t-il.



Les pays nordiques connaissent une situation assez favorable, peut-être parce que la chasse y est mieux intégrée dans la société. C’est une chasse populaire et « féminisée » (5% de « chasseuses » en moyenne, mais 25% en Suède !). 80 % des chasseurs adhèrent à leurs structures (100% au Danemark où la cotisation fédérale est, comme en France, obligatoire). A 80% l’opinion est neutre ou favorable à la chasse. La viande de gibier fait l’objet aussi d’une forte promotion (flux financier de 200 millions d’euros par an et 3% de la consommation globale de viande).

Les pays nordiques ont créé une plateforme internationale commune de réflexion, d’influence et d’action. Comme les français ils mettent des moyens conséquents dans le lobbying et les relations publiques. Notamment auprès de la Commission européenne.



Le Président de la FACE, Gilbert de Turckheim, a conclu et synthétisé cette matinée en rappelant quelques grands principes qui ressortaient des débats :

- La nécessité d’être unis et d’avoir conscience et fierté du poids que représente la chasse en Europe (7 millions de pratiquants). L’approche des échéances européennes étant une occasion de le rappeler aux futurs députés européens…

- La nécessité de s’ouvrir au monde moderne et de légitimer la chasse par la connaissance scientifique et les actions concrètes en faveur de la biodiversité et des habitats ;

- Le devoir de multiplier les partenariats avec le monde agricole et protectionniste, malgré les handicaps ;

- La volonté de s’organiser face aux nouveaux intégrismes écologiques et d’avoir une véritable politique de développement de la chasse, sans complexes, pour maintenir ou reconquérir des chasseurs et la diversité des modes de chasse, dont la France est un bel exemple avec près de 40 techniques de chasse différentes.



@Charles-Henri de Ponchalon wrote:

La chasse à la Française

I -Les spécificités

La spécificité cynégétique d’un pays tient à son histoire, à sa biodiversité et à sa culture.

La France ne déroge pas à ce principe même si, adepte de l’exception culturelle, elle possède des caractéristiques toutes particulières :

• Par sa démographie (1,3 millions de chasseurs) et le caractère populaire de sa chasse, en particulier au sud de la Loire.

• Par la diversité de ses modes et pratiques de chasse : pas seulement à tir, au vol ou à courre ; mais avec des lacets, des gluaux, des cages, des filets… En tout, près d’une quarantaine de façons de capturer près de 90 gibiers différents qui ne sont que le reflet de la diversité culturelle (celte, latine, germanique…), biogéographique et faunistique de la France. Cette diversité est une vraie richesse patrimoniale, gage de légitimité pour la chasse.

• Une autre spécificité nationale, c’est un réseau associatif de près de 80 000 sociétés de chasse communales et privées, regroupées au sein d’une pyramide de fédérations départementales, régionales et nationale, disposant de 1 300 professionnels au service exclusif de la chasse et des chasseurs, tout en remplissant certaines missions de service public ou d’intérêt général : formation des chasseurs, indemnisation des dégâts causés par le grand gibier, guichet de validation annuelle du permis de chasser. Cela n’est possible que parce que tous les chasseurs cotisent à leurs fédérations.

• Economiquement parlant, la chasse française représente 2,3 milliards d’euros de flux financiers et 23.000 emplois. Via leur permis, les chasseurs financent aussi un Etablissement public (l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage) spécialisé au départ dans l’ingénierie et la police de la chasse (avec près de 1 800 personnes) mais qui dérive avec d’autres établissements publics vers l’ingénierie et la police environnementales. La création d’une agence de l’Environnement est une vieille idée de notre ministère de tutelle. Pourquoi pas, si l’Etat -et non les chasseurs et pêcheurs- en assume le financement pour les missions régaliennes ? Ce qui n’est pas encore vraiment le cas. Mais le sujet fait débat et montre les limites du principe de « l’utilisateur-payeur ».



II - Les défis

La chasse française est confrontée à un certain nombre de menaces et défis internes ou externes :

a) Internes :

- Avec un déclin démographique (-1 à -2% de chasseurs par an) qui se traduit par un vieillissement du chasseur (55 ans d’âge moyen) et une menace directe sur le financement du système structurel bicéphale public/privé français.

- Menace interne, aussi, liée à la complexification de la pratique. C’est une menace directe sur la chasse populaire au profit d’une chasse élitiste (dont l’exemple, chez nos voisins, ne nous paraît pas de nature à assurer la pérennité de la chasse dans nos sociétés urbaines et zoolâtres).

- Le manque « d’hospitalité cynégétique » des associations, parfois la rivalité entre chasseurs et modes de chasse sur un même territoire, la représentation trop faible des femmes (2 %) et des jeunes sont aussi des difficultés mal résolues.



b) Les menaces externes ne manquent pas non plus :

- Même légitimée par l’Histoire et notre convivialité légendaire, la chasse française a eu un temps mauvaise presse dans les sondages d’opinion. Cette période semble révolue. Le dernier sondage effectué par nos soins (C.S.A. mai 2008) montre que les Français sont partagés :

¨ 48 % ont une bonne opinion de la chasse

¨ 49 % une mauvaise, mais seulement 7 % souhaitent l’arrêt de la chasse.

Nos contemporains légitiment surtout la chasse dans sa dimension régulatrice (67 %), culturelle (64 %), conviviale au sein du monde rural (60 %). Ils jugent aussi, à 60 %, positive l’action des chasseurs en matière de préservation de la nature.

- Les menaces générées par nos adversaires aussi évoluent : attaquée longtemps par les protectionnistes (et la Commission européenne !) sur la disparition des espèces par la chasse, puis les temps de chasse ou les modes de chasse, la chasse française est confrontée à de nouveaux enjeux, avec :

¨ Les espaces chassables, que la mise en place des zones de protection européennes (Natura 2000) et nationales (trames vertes), ainsi que l’urbanisation galopante risquent de réduire et l’agriculture moderne de détruire. Ajoutons que nos opposants tentent de réduire l’espace chassable périurbain au nom de la sécurité publique.

¨ Les espèces chassables (dont on essaye d’établir, sur des critères discutables, le mauvais « état de conservation » régional, national ou européen) et en conséquence les risques de réduction de la liste des gibiers, remède souvent pire que le mal selon nous.

Comme d’autres nous connaissons le déclin du petit gibier sédentaire et l’inflation du grand gibier et des dégâts agricoles qu’ils génèrent, payés intégralement par les chasseurs et leurs fédérations départementales.



¨ Le « bien-être » de l’animal, même sauvage, qui est une remise en cause de l’acte de chasse en soi, pénètre le droit européen avec l’aide de la Commission européenne, des lobbies véganiens (Human Society) et l’apparition de « saboteurs de la chasse » –dont la vénerie commence à faire les frais.



c) L’enjeu, en fait, est celui d’une chasse durable, à trois dimensions :

1. Durabilité environnementale (celle des espaces et des espèces concernées) par des pratiques raisonnées et la connaissance scientifique. Cela suppose que les politiques environnementales et agricoles intègrent la préservation de la biodiversité « ordinaire » et pas seulement extraordinaire ;

2. Durabilité de la pratique cynégétique ensuite (dans sa dimension démographique, culturelle et économique) ;

3. Durabilité sociétale enfin, autrement dit « l’acceptabilité » de la chasse comme éthique, passion, pratique et mode de gestion des ressources naturelles dans nos sociétés sevrées de nature.



III - Les stratégies de réponse

Face à ces enjeux, la chasse française a essayé d’apporter des réponses :

d) Aux défis internes en s’engageant (trop timidement) :

- Dans un parrainage et une politique de recrutement des jeunes et futurs chasseurs par les plus anciens, avec des prix de permis attractifs,

- Dans une stratégie d’offre de territoires pour les chasseurs urbains (association Actéon), notamment dans les territoires en déshérence cynégétique –autrement dit sans chasseurs ou presque et où les populations de sangliers explosent.

La chasse est une transmission familiale et amicale : il faut utiliser nos forces vives pour favoriser cette transmission et le passage initiatique du relais. Ouvrir nos territoires, transmettre la passion : tel est le challenge.



e) Nous tentons de répondre aux défis externes de plusieurs façons :

- Sur le terrain scientifique en apportant à la Société la preuve de ce que nous prélevons (mise en place d’un carnet de prélèvement pour le chasseur) et notre connaissance des populations, via la recherche sur les gibiers et leur suivi, via le développement de l’ingénierie écologique (avec des structures telles qu’OMPO, l’ONCFS, l’IMPCF, le GIFS…)

- Sur le plan médiatique : nous préparons une campagne d’affichage, via nos fédérations, en direction de l’opinion sur le rôle positif de la chasse. Nous sommes aussi en recherche de « people » qui ne soient pas honteux de « vendre » la chasse.

Nous assurons également la promotion de la viande de gibier et la valorisation de la filière venaison. Car en France, la gastronomie participe évidemment beaucoup de notre légitimité !

Cette dernière repose aussi sur une meilleure intégration de la chasse dans une logique « récréative » et dans le secteur marchand et l’utilité sociale, même si cela heurte parfois notre vision associative.

- Grâce au lobbying politique (voire, dans le passé, par l’engagement corporatiste des chasseurs en politique !), nous avons su développer une législation favorable à la chasse.



Résultat : plus de 5 lois prises en notre faveur depuis moins de 10 ans ! Et, pour la chasse, le groupe parlementaire le plus étoffé à l’Assemblée Nationale.

L’Europe des chasseurs devrait se donner aussi les moyens de ce lobbying si nous voulons contrer le puissant lobby protectionniste à Bruxelles. Là où sont pour nous les vraies menaces. Celles d’un antihumanisme qui voudrait faire passer la chasse pour « inhumaine ».



- Ce lobbying national que nous avons déployé est doté de deux structures de veille et d’influence concernant le bien-être animal et les armes. Vient de s’y ajouter la création d’une interprofession « chasse » visant à disposer de moyens financiers pour promouvoir la chasse et fédérant tous les acteurs économiques de la filière chasse en France (armes, élevage, vêtements, aliments, associations).



- Nous restons cependant déficients en France sur deux points :

§ Face à la complexité de la gestion du gibier nous n’avons pas su simplifier la pratique de la chasse avec deux « adversaires » redoutables : l’Administration française et parfois les structures des chasseurs elles-mêmes !

§ Nous tardons à structurer sur le plan scientifique et philosophique un discours à même de contrer l’idéologie véganienne et animalitaire d’origine anglo-saxonne, qui se répand et qui apparait comme la grande menace sur la chasse de demain –même si le caractère hédoniste et méditerranéen du Français le protège encore de ces fléaux à l’échelle strictement hexagonale !



Pour conclure, la chasse française peut apparaître à certains, dans cet aréopage, un peu éloignée de leur vision épurée de la chasse ! Notre dimension populaire et syndicale forte (qui nous a permis de mettre dans la rue près de 300 000 personnes et même de peser dans certains scrutins) n’inspire pas que de l’admiration. Mais elle sait aussi nous faire craindre –ce qui n’est pas négligeable. Au risque parfois d’être taxée de corporatisme moyenâgeux.

Les chasseurs français participent-ils d’une « diabolisation de la modernité » (pour reprendre la formule de Jacques Attali) quand ils refusent pêle-mêle la loi européenne, le « prêt à penser » écologique au nom de leur identité culturelle, de leurs valeurs et d’une certaine idée de la nature ?

Nos structures, craintes ou méprisées, créées dans les années 1920-1930 par un ministre de l’Agriculture visionnaire, ne sont pas que corporatistes. Elles ne coûtent rien à l’Etat, lui rapportent même ; elles pratiquent l’autogestion et participent à la valorisation du monde rural. Elles ont créé et développé la police de la chasse en France –même si ce n’est plus leur priorité aujourd’hui.

Placées entre le chasseur et l’Etat, nos fédérations sont des « tampons » bien commodes pour ce dernier. Elles participent à des missions publiques ou d’intérêt général, à une régulation sociale, à la gestion des espaces et des espèces, au maintien du lien entre l’imaginaire des villes et la réalité naturelle de nos campagnes.

A l’heure où l’Etat français prétend vouloir dégraisser et déléguer (dans le cadre de la réforme des politiques publiques), les structures de la chasse française -mélange de puissance et de fragilité- nous posent en fait trois questions qui n’en sont qu’une :

- La chasse est-elle une chose trop sérieuse pour être confiée aux chasseurs ?

- Dans un pays hyper jacobin et centralisateur, et où les moyens se réduisent, l’alliance du privé et du public est-elle, pour un domaine comme la chasse, une exception menacée ou durable, un archaïsme ou une modernité ? Une richesse ou une faiblesse ?

- Ou, formulé autrement, quelle place et quel partenariat l’Etat et les chasseurs doivent-ils respectivement avoir dans la gestion d’une passion, d’un loisir, d’une économie, d’une culture et d’une ressource naturelle ?



Je compte sur les autres intervenants pour m’éclairer sur les réponses apportées ailleurs… Tout en ayant conscience de n’être pas le plus mal servi !

Charles-Henri de Ponchalon



Président de la Fédération Nationale des Chasseurs de France.
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