Le vieil homme et les vertes collines

Les modes de chasse du grand gibier : battue, affût/approche, vénerie, chasse à l'arc...
white hunter
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Message par white hunter »

Après pas mal de défaites ou de renoncements c’était décidé, j’allais tuer mon chamois, ce 13 novembre 2014. Sinon, je serais la risée des chasseurs de sangliers qui observent à chaque fois mes bredouilles incessantes … Au moins 15 déjà, sans une cartouche tirée. « La veine. J'aimerais bien en acheter un morceau si on la vend quelque part ». Comme la retraite ne doit pas être qu’une Bérézina dont les glaces noires s’ouvrent sous nos pieds, ou une préfiguration de notre fin, il me fallait fêter ce passage.





Joli bouc ...



Un treize ! C’est une bonne date. L’avant-veille, un malcomprenant avait stoppé ma partie de chasse, s’étant trompé de secteur ! Benêt au QI d’huître, mais sournois et malveillant à souhait, je ne saurai pas s’il l’avait fait de façon volontaire ou non. A sept heures, le jour point, et moi aussi. Equipé légèrement, une carabine et neuf cartouches, une musette, un appareil photo, des jumelles, un télémètre, ustensiles s’ajoutant à ma bite et à mon couteau. Et aussi une superbe férule*, solide mais légère, qui figurera courageusement dans l’aventure qui commence.



..

chamois d'Eylac, chamois du Puy mary



J’entends bien, en attaquant à l’aube, tirer rapidement, sur le premier spot si je peux, à un km environ du parking. Il y a tout ce qu’il faut, cabris c’est sur, et éterlou peut être. Mais ils seront toujours à 400 mètres ou plus. Le froid combiné à l’immobilité me figent comme une gelée de groseilles, en plus violet, et je décide de filer vers 9 :30, car je ne serai plus approché. Près de la brèche de Rolland - où tomba une grosse semaine avant le bouc sous la balle de mon invité - le cabri ne m’attend pas. Et je pousse plus loin, prenant de la hauteur.







Il embrassa la mer d'un regard et se rendit compte de l'infinie solitude où il se trouvait.



Un beau bouc boiteux est là que je filme, mais il fait sa star et se retire cahin-caha dans sa loge. Si j’avais décidé de tirer, le film aurait démontré sa boiterie. Mais j’ai tant d’amis … Je ne tire donc pas et je lui souhaite de se remettre de sa misère. Moi-même je boîte pire que lui, après tout, et nous boîtons bientôt de conserve, mais dans des directions opposées. Je suis loin du port désormais, et je monte toujours, franchissant le Peyre Arse en solitaire et en autonomie, sans bouteille sinon d’Evian. Un chamois tout au loin, et puis quelques animaux, Mais sans la moindre possibilité de me dissimuler, je suis en surplomb. Je décide de contourner le sommet du Peyre Arse par le côté Santoire, testant la résistance de mon flutal dans son nouveau rôle de luge à bruyère. "Attention, t’es vieux et bien abîmé", me dis-je à moi-même. Je n’aurais jamais cru à 10 ans qu’on est aussi con à 60.



..

en contournant le Peyre Arse. sur la seconde photos des chamois à peu près invisibles au pied des rochers



Je resurgis après le pointillé, à gauche. Faut suivre !!! J’avance lentement, regardant heureusement dans toutes les directions. Ahhh ! Trois, quatre chamois, juste là ... Les mêmes, ou pas ? Damned, pas de cabri ... Cabri que je m’étais autorisé jusqu’à 14:00 si loin, pour son poids et ma capacité à atteindre la voiture avant la nuit. Mais un éterlou n’est-il pas un cabri un peu grandi ? 185 m … Un pied du bi, accroché à la pente, l’autre dans le vide. Stecher. L’éterlou avance doucement en broutant et se soustrait progressivement à ma vue. Sur mon gradin de rochers épais, usées par les millénaires, je décide vite. Bang !









" Piga ! Piga ! " (Il est touché, il est touché !). Je vois bouger ses pattes en l’air une seconde, comme s’il voulait s’appuyer sur le ciel, et c’est déjà fini. 13:45 environ. Un quart d’heure d’immobilité pour éviter tout lien entre l’homme et cette mort. J’allais me lever quand un chamois adulte qui a fui revient, et m’impose une longue séance d’immobilité. Chamoise je croyais, bouc je sais bientôt. Je file enfin vers ma prise, recroise un ou le bouc, qui, tranquille, reste à 40 m de moi … Prise que je retrouve avec quelque peine dans les bruyères. Recueillement, admiration, éviscération.







Il me faut beaucoup de temps pour réaliser un boulot toujours minable de mes deux petites mains gauches. Je lui attache les pattes, même s’il ne semble plus en mesure de s’échapper, pour le porter un peu à l’épaule. Que niet, cela glisse, et je titube. Je décide de le traîner accroché à ma férule comme marlin à sa barque, et je hisse la voile. J’ai bien le temps, 3 km avant la nuit, c’est à peu près possible. La gravité l’entraine un peu dans la pente, et je me trouve plus bas que prévu dans ma progression. A observer à 150 m un bélier en ce lieu inhabituel pour l’espèce, en guise de compensation. Il me faut rejoindre la crête. Je m’épuise dans des sagnes* quasi verticales où chaque mètre gagné perpendiculaire à ma direction, ne se soustrait même pas aux trois mille restants. Lorsque le marécage se calme, les genêts prennent le relai en retenant l’éterlou, et la pente est terrible pour moi dans les deux cas. Efforts, crampes et moments de repos de plus en plus longs et nécessaires accompagnent cette lente randonnée. La lune se lève sur le Peyre Arse, et la montagne brille de toutes ses flaques. Il fait une douceur incroyable en ce 13 novembre. Bientôt je rejoins le chemin, et je sais que je vais y arriver avec le temps, désormais. Il suffit d’aller doucement. J’approche de la Brèche de Rolland. La route bientôt. Je laisse le chamois et vais chercher la voiture, j’y mets à charger le téléphone. Bon dieu ! 1:28. Il me faudra au moins trois essais pour hisser les 21 kg dans le coffre, tellement je suis cuit.



* bâton formé de la tige d’une ombellifère, très léger.

Sagnes : zones humides
michel39
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Message par michel39 »

Comme d'habitude, superbe récit WH.



Bravo pour ton éterlou. les chasseurs de sanglier ne se moqueront plus...

D'ailleurs, qu'ils y aillent eux chasser le sanglier a l'approche...On verra combien de bredouilles ils comptabilisent...



Depuis tu dois être remis de tes efforts j'espère...



Continue de nous régaler de tes récits et de tes photos.
pepe07
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Message par pepe07 »

Super ce récit :mrgreen:
white hunter
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Message par white hunter »

Merci. Bizarrement, mon épouse n'était pas du tout contente,mais j'étais bien trop mort de fatigue vers 3:00 h en arrivant pour envisager d'en discuter ...
Bip-bip
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Message par Bip-bip »

merci vieux chasseur blanc, ça fait plaisir de te lire! l'approche reste vraiment LA chasse qui donne des plaisirs uniques...
michel39
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Message par michel39 »

Pour la femme... WH, il faut que retournes en Corse pour apprendre comment il faut s'en occuper... :wink:



"Au gland et à la chataigne..."... :deho:rs
sdi
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Message par sdi »

@white hunter wrote:Merci. Bizarrement, mon épouse n'était pas du tout contente,mais j'étais bien trop mort de fatigue vers 3:00 h en arrivant pour envisager d'en discuter ...

Tu m’étonne :D Encore bravo :mrgreen:
jo44
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Message par jo44 »

Tout simplement superbe... t,1;op
white hunter
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Message par white hunter »

L'aventure (douce) est au coin du bois, ou juste au col. Si j'avais été jeune et solide,l'histoire serait moins sympathique : je tire, je le mets dans le sac à dos, et à 17:00, je bois le thé dans mon salon.



Mon conseil : ne mettez qu'une chaussure, ou 30 kg de cailloux dans le sac ; et vos chasses seront épiques.







le joli bélier perdu ... seul, cela n'arrive jamais
U cignale
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Message par U cignale »

Merci pour ce super récit.
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