@La Société de Vénerie wrote:Commentaire sur la proposition de loi de
Messieurs Gremetz, Gosnat et Dupont-Aignan visant à interdire la chasse à courre - 12/02/2010
Le dépôt de cette proposition de loi n’est pas tout à fait une surprise : il avait été annoncé avec les accents de la victoire sur le site de « Convention Vie et Nature pour une Ecologie Radicale » dès septembre 2009. Cette association présidée par Gérard Charollois avait alors mis en ligne le texte et son exposé des motifs, tels qu’ils viennent d’être enregistrés à l’Assemblée Nationale. Les cinq mois écoulés ont-ils été nécessaires à Monsieur Gremetz, présenté comme le père de cette proposition, pour rallier à son initiative deux autres signataires ? On remarquera que, de ce fait, la date prévue pour l’entrée en vigueur de la mesure proposée est aujourd’hui dépassée…
C’est la seconde fois que les organisations de la mouvance animaliste convainquent des députés de relayer leur action. Le texte qui est proposé est en effet le même - a un détail près : un délai de mise en œuvre raccourci - que celui contenu dans la proposition de loi déposée en 2005 par Monsieur Marsaudon, avec le soutien explicite de la Fondation Brigitte Bardot.
Personne parmi les personnes informées ne sera assez naïf pour imaginer que cette charge renouvelée relève d’un combat isolé. Elle fait partie d’un programme d’action annoncé contre les chasses dites cruelles - comprenant aussi la vènerie sous terre et le piégeage. Au surplus la mouvance qui soutient ce programme ne fait pas mystère de son objectif final. Celui-ci n’est rien moins que de provoquer une rupture radicale dans les relations entre l’homme et l’animal. Cette rupture passe bien sûr par une abolition de la chasse sous toutes ses formes. Elle vise également l’élevage, la consommation de la viande, les laboratoires de recherche, le cirque, la corrida, la fourrure…
L’interdiction de la chasse à courre serait, dans cette perspective, une étape symbolique d’un vaste processus. Pourquoi des députés qui défendent en général la chasse viennent-ils apporter leur soutien à cette attaque ciblée, c’est évidemment un sujet de grand étonnement.
Quoi qu’il en soit, dans une démocratie digne de ce nom, la polémique, la caricature et la désinformation ne sauraient servir de fondement à la loi. Or l’exposé des motifs présenté à l’appui de ce texte ne procède pas d’une enquête sérieuse et objective sur les faits.
Dire que la France est le dernier pays européen où l’on chasse à courre est une contre-vérité totale (on chasse beaucoup en Irlande, un peu au Portugal et en Italie). L’idée que notre pays doit s’aligner sur ses voisins est manifestement inspirée par l’exemple de la Grande Bretagne. Exemple fort intéressant du reste. Depuis l’adoption de la loi d’abolition en 2005 par une procédure parlementaire hors du commun qui aura duré des années, le nombre des équipages n’a absolument pas diminué outre-Manche. Mettant à profit les failles de la loi, ils sortent toujours autant et les fervents qui participent à ces sorties n’ont jamais été plus nombreux ! Lassée par une bataille qui dure depuis des années, l’opinion britannique considère aujourd’hui la loi comme inappliquée et inapplicable. On évoque son retrait.
Pour le reste, il faut savoir qu’à ce jour 1500 équipages chassent à courre dans 7 pays principaux (Etats-Unis, Canada, Irlande, Grande Bretagne, France, Australie, Nouvelle Zélande). Ils sont représentés par l’International Union of Hunting with Hounds, créé à Dublin en 2008. Présenter la France comme la lanterne rouge de la civilisation est donc hors de propos.
Soutenir que des ressortissants étrangers « affluent sur le territoire français pour pouvoir sévir en toute impunité » relève de l’affabulation la plus totale. On s’est employé à accréditer la nouvelle d’une arrivée massive des Anglais en France. Celle-ci ne s’est jamais produite. Pas un seul équipage anglais ne s’est installé en France, pas un Anglais de plus n’est venu chasser en France, et pour cause puisqu’ils continuent à chasser chez eux ! Pour le reste, quelques Belges chassent à courre dans le Nord de notre pays. La disparition quasi complète d’espaces appropriés dans leur pays les y a conduits depuis bien longtemps.
L’amalgame entre la chasse à courre et l’ancien régime appartient aux poncifs sempiternels. Celui-là a déjà servi des milliers de fois et resservira encore. Comme disait Einstein : « Il est plus difficile de briser un préjugé qu’un atome". La réalité est fort éloignée de ce multi-séculaire passé. Il existe aujourd’hui en France plus de 400 équipages, dont un tiers environ chasse à cheval les ongulés (cerf, sanglier, chevreuil), alors que les deux tiers chassent, à pied le plus souvent, le renard, le lièvre et le lapin. Constitués en associations, ces équipages regroupent 10 000 veneurs venant des horizons les plus variés. Dans la majorité des cas, ils n’ont pas d’antécédent vènerie dans leur famille. Ils seront pour le moins stupéfaits d’apprendre qu’ils constituent une « poignée d’aristocrates en mal de sensations fortes » ou encore « une caste dirigeante arrogante accrochée à ses rituels et à ses privilèges », alors qu’ils sont le reflet de la plus grande mosaïque sociale de ce pays, comme l’ont mis en évidence des sociologues du CNRS (Monique et Michel Pinçon-Charlot).
Les cotisations des veneurs, qui permettent de faire fonctionner leurs équipages, sont extrêmement variées à raison de la taille très inégale des animaux chassés et des moyens mis en œuvre. Même pour les plus élevées, elles sont comparables au coût des actions prises dans des sociétés de chasse à tir et se situent dans les mêmes ordres de grandeur que ce que de très nombreux français consacrent à leurs loisirs. Le chiffre cité correspond évidemment au budget d’un équipage de cerf ; 90 % des équipages sont loin ou très loin d’atteindre ce chiffre.
Qualifier de folklore un mode de chasse particulièrement exigeant, reposant sur l’élevage de races de chiens qui sont pour une large part uniques au monde, codifié depuis 6 siècles au moins dans des dizaines de traités élaborés par des veneurs savants, relève de la farce et fait bon marché de tout souci de la conservation du patrimoine et de la préservation de la biodiversité.
Les veneurs sont responsables et assument en conscience le fait que leur mode de chasse, comme tous les autres, conduit à la mort d’un animal vivant. C’est le cas, en moyenne, pour une chasse sur quatre. La vènerie prélève peu - l’inverse eut évidemment été dénoncé de la mâle manière. Mais dire qu’elle n’a aucune vertu régulatrice est inexact. Elle constitue en réalité un baromètre fidèle de l’état sanitaire des populations d’animaux sauvages.
L’évocation d’une « violence inouïe », propre à émouvoir les âmes sensibles, est à l’évidence purement racoleuse. Animaux frappés à coups de barre de fer, noyés dans la vase, déchiquetés vivants : sommes-nous au Grand Guignol ? On peut heureusement aller à la chasse 1000 fois sans assister à de telles scènes. Quant aux travaux scientifiques ayant démontré la grande douleur et le stress auquel les animaux chassés sont soumis, on n’en connaît qu’un. Réalisé il y a une quinzaine d’année par le Professeur Bateson, dans le propos délibéré de soutenir la campagne contre la chasse à courre en Grande-Bretagne, il a été depuis lors largement contesté, pour des raisons de méthode et pour des raisons de fond.
Le soi-disant trouble causé aux promeneurs en forêt est une bien mauvaise querelle. La vènerie leur laisse au moins 85% des jours de l’année pour cultiver la solitude. Au surplus, lorsqu’elle s’exerce, la vènerie offre une distraction très appréciée à ceux qui viennent suivre gracieusement la chasse. Comme les clubs sportifs, les équipages ont leurs supporters. Ils sont nombreux, de plus en plus nombreux. Les quelques 100 000 suiveurs assidus ou occasionnels des équipages peuvent en attester.
Les accidents qui sont causés sur les routes par les animaux qui « traversent sans aucune précaution » sont certes une réalité. Des dizaines de milliers disparaissent ainsi chaque année. Mais la proportion de ceux qui seraient tués du fait de la pratique de la vènerie est voisine de 0.
Les incidents éventuels de fin de chasse, que les mouvements hostiles se plaisent à exploiter en les rappelant d’innombrables fois (quitte à oublier l’endroit où ils se sont produits car c’est à tort que la forêt de Perseigne est montrée du doigt, ou à ignorer la réalité des faits comme à la Croix Saint Ouen) restent fort heureusement très peu nombreux au regard du nombre des journées de chasse (au moins 16 000 par an). Dans la statistique des accidents de chasse établie chaque année, la part revenant à la vènerie est d’ailleurs égale à 0. La vènerie ne provoque que des chutes de cheval éventuelles...
Les équipages ont été fortement sensibilisés à la question des incidents avec leur environnement et ont bien compris qu’il convenait de tout faire pour les éviter. S’ils commettent des erreurs, leur association, dépositaire du code des bonnes pratiques de la vènerie, ouvre une procédure d’examen qui comporte enquête, comparution et sanction le cas échéant.
On arrêtera là les mises au point.
Ce qui précède suffit à montrer qu’une information exacte et complète sur la vènerie en donne une toute autre image.
Au bout du compte, il y a toujours eu - la citation des Essais de Montaigne le prouve - et il y aura toujours des gens contre ce mode de chasse. Il existe surtout une très grande majorité de Français qui n’en connaissent sans doute à peu près rien et réagissent sur la base de quelques clichés. Comme d’autres, ils seraient très surpris s’ils découvraient un jour sa complexité et sa richesse.
Au demeurant, le fait que la vènerie ait des opposants est dans la logique d’une société pluraliste, qui reconnaît à chacun le droit de choisir ses opinions et ses activités. Interdire une activité en raison de préférences idéologiques est en revanche contraire au pacte républicain, même et surtout si cette activité est pratiquée par une minorité.
Pour télécharger la proposition de loi dans son intégralité, cliquez ici :
http://www.venerie.org/imgs/file/propos ... 120110.pdf
Société de Vènerie