Voici un article de nos confréres canadiens:
Acier, c'est assez!
Par Hugues Leblond
Depuis que nous avons l'obligation d'utiliser des munitions à grenaille non-toxique pour chasser la sauvagine, on entend trop souvent les chasseurs déplorer le manque d'efficacité des cartouches à grenaille d'acier. Ces allégations proviennent souvent de sauvaginiers nostalgiques qui ne se sont jamais adapté à l'utilisation adéquate de l'acier. Je me permets ici de rectifier certains faits concernant cette munition en espérant briser quelques mythes solidement ancrés dans la croyance populaire.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, question de se documenter un peu, je voudrais vous faire part de deux expériences réalisées au début des années '70. Elles sont tirées de l'excellent livre de Bob Brister : " Shotgunning : the art and science " (Winchester Press, 1976, 320 pages).
La première expérience se déroule en 1969 à Patuxent dans le Maryland où des experts du US Fish and Wildlife se réunissent avec des balisticiens de différentes compagnies pour comparer l'efficacité des munitions à grenaille d'acier et des munitions à grenaille de plomb. Leur protocole consiste à tirer au fusil sur des cibles vivantes (malards) avec différentes charges des deux types de munition. Les experts s'attendaient à ce que les billes de plomb surpassent les billes d'acier en terme de pouvoir meurtrier car ils savaient que l'acier, beaucoup moins dense que le plomb, perdrait vite de son énergie. Contre toute attente, ils se rendent compte qu'avec une charge de 1oz d'acier, ils arrivent à tuer le même nombre de colverts qu'avec une charge de 1 ¼ oz de plomb, et ce jusqu'à 40 verges. Par contre, dépassé les 40 verges, l'acier perdait de son efficacité et à 60 verges, l'acier tuait seulement 28% des colverts tandis que le plomb ne faisait guère mieux avec 38%.
Quatre ans plus tard, 1972-73, à la ferme Nilo en Illinois, la maison Winchester effectue le mêmes genre de tests afin de confirmer (ou infirmer) les résultats obtenus par le US Fish and Wildlife. Une fois encore, plusieurs balisticiens renommés sont présents afin de bien établir les règles du jeu. Afin d'éliminer l'erreur humaine, ils décident d'attacher des fusils à différentes distances de la cible, fusils mécaniquement programmés à faire feu afin que le centre de la gerbe de billes (le patron efficace) atteigne directement la zone vitale de colverts vivants. Pour imiter le mouvement des canards, ces derniers sont attachés avec un harnais sur un petit chariot qui se déplace à 18mph. Pour valider les résultats, on a effectué 2 400 tests sur un grand total de 2 400 malards avec différentes munitions.
Au menu, il y avait des charges magnum de 1 1/4 oz de billes de plombs et des charges de 1 1/8 de billes d'acier. Ils ont pris soins d'utiliser des cartouches qui imprimaient les mêmes vélocités et un patronage équivalent, le but ici étant de comparer la létalité des deux matériaux dans des conditions similaires. Rod Van Wyk, le balisticien de Winchester à l'époque, participait aux tests. Il a révélé que les cartouches contenant 1 1/8oz de billes d'acier #4 avaient eu de MEILLEURS RÉSULTATS que les cartouches contenant 1 ¼ de billes de plombs #6. Vous avez bien lu, les cartouches à billes d'acier tuaient plus de canard, et ce jusqu'à 40-45 verges!
Pourquoi ne sommes-nous pas plus au courant de ce genre de tests? La nature même des tests qui a nécessité l'utilisation de plusieurs milliers de canards n'aurait peut-être pas eu la cote de popularité auprès du grand public? N'empêche que ces chiffres sont sans équivoque. Les experts qui pensaient que les billes d'acier n'avaient pas la densité voulue pour pénétrer les zones vitales de l'oiseau avaient oublié que la faible densité de l'acier est largement compensée par une autre qualité : sa dureté.
La vertu de l'acier est d'être en effet plus solide que le plomb, faisant en sorte que les billes ne se déforment pas comme le fait le plomb lors 1) de la détonation, 2) du passage des billes dans le l'épaulement d'âme du canon (forcing cone) et 3) du passage dans l'étranglement (choke) du canon. Les billes d'acier non déformées étant plus rondes à la sortie du canon sont plus aérodynamiques, ce qui leur permet de demeurer regroupées les unes par rapport aux autres. En fait, la gerbe de billes d'acier sera environ 3 fois plus courte qu'une gerbe de billes de plomb, procurant un patron supérieur caractérisé par une plus grande densité (moins d'espace entre chaque bille). Cette gerbe de billes plus courte procure un avantage certain si on veut augmenter nos chances d'atteindre la zone vitale de la cible mais encore faut-il atteindre cette cible! La gerbe étant 3 fois plus courte il sera beaucoup plus difficile pour le tireur d'atteindre un oiseau en mouvement!
Ceci étant dit, pourquoi pensez-vous que les sauvaginiers ont l'impression qu'ils blessent plus d'oiseaux que dans le bon vieux temps où le plomb était légal? Je dis bien " impression " car dans les faits, le nombre de blessés est constant depuis 1930, autour de 18%. Selon moi, ils pensent qu'ils blessent plus d'oiseaux car ils VOIENT l'oiseau qu'ils blessent. Et n'oublions pas qu'ils ne blessent pas à cause du manque de pénétration de l'acier mais plutôt parce qu'ils n'atteignent pas la cible avec le patron efficace. À l'époque du plomb, il y avait autant d'oiseaux blessés mais les chasseurs en étaient moins conscients. Il était plus facile d'atteindre la cible, certes, la gerbe de billes étant trois fois plus longue. Mais cette longueur de gerbe, qui peut atteindre 10-15 pieds à 40 verges, devient menaçante pour les canards qui accompagnent le canard visé. Le chasseur pouvait donc blesser 2-3 canards avec un seul tir sans s'en rendre compte car concentré sur la cible qu'il visait.
Pour essayer de visualiser les dommages que peut causer une gerbe de billes de plomb trop étirée, Bob Brister a eu une idée géniale. Ce Texan a demandé à sa femme (qui a eu le courage d'accepter) de passer devant lui à 40 mph au volant de leur familiale munie d'une remorque bardée d'un panneau de 16 pieds où sont dessinés, sur du papier à patronner, des canards en file indienne (voir photo ci-dessous). Je dis que sa femme a eu du courage car lui, pendant ce temps, s'installait non loin de là avec son 12 et faisait feu sur la cible en mouvement. C'est ce qu'on appelle de la confiance! Ainsi, il a pu avoir beaucoup d'informations qui n'étaient pas accessible sur la manière dont les billes atteignent les canards lorsqu'ils sont en mouvement. Je vous donne ici un exemple d'une charge de petites billes de plomb dont la gerbe s'étire sur une longue distance. C'est ce que nos aïeux appelaient le principe de la poivrière qui avait comme fondement de couvrir le plus d'espace possible avec les billes afin d'être certain d'atteindre la cible visée.
En testant le principe de la poivrière avec des billes de plomb, Bob Brister a effectivement atteint la cible en mouvement à 40 mph mais regardez sur la photo ce qui arrive au reste des canards. On constate que dans cette volée de canards, 2 seront abattus proprement tandis que 3-4 autres seront blesses par la salve de plombs et ce probablement sans que le tireur ne s'en aperçoive.
Dans les articles qui vont suivre, on décrira avec plus de détails ce que font les billes lorsqu'elles sortent du fusil et quel serait le meilleur choix selon le type de chasse (distance de tir) et selon la cible visée (Oie, bernache, gros canard, petit canard, etc). Pour l'instant, je voulais que cet article serve plutôt de tremplin pour lancer le sujet. Il était important de mentionner d'entrée de jeu que :
1) il n'y a pas plus de sauvagine blessée depuis qu'on utilise la grenaille non-toxique;
2) l'acier sera plus efficace que le plomb à moins de 40 verges;
3) si certains sauvaginier trouvent qu'ils tuent moins de canards avec l'acier, c'est probablement parce qu'ils manquent la cible car il y a moins de marge d'erreur avec cette munition. La bonne nouvelle dans tout cela est qu'il est possible de diminuer le nombre de blessés pour en pratiquant le tir (et en s'informant sur SV!!).
Donc la prochaine fois que vous serez dans votre cache, que votre coéquipier ira de son meilleur tir sur un canard à 30 verges et que le volatile perdra quelques plumes sans toutefois tomber, pensez aux tests effectués à la ferme Milo. Si votre ami vous mentionne que " s'il avait eu des munition à billes de plomb cet oiseau serait tombé c'est certain ", vous pourrez lui répondre qu'il a peut-être raison mais qu'à la lumière des résultats obtenu à la ferme Milo en 1972 la grenaille d'acier est plus efficace que la grenaille de plomb à la distance qu'il vient de tirer. Ça veut dire que si l'oiseau n'est pas tombé ce n'est certainement pas à cause du manque de pénétration des billes mais plutôt parce qu'il n'a pas été capable de centrer son tir sur l'oiseau. À bien y penser, ne froissez pas son ego de tireur et invitez-le plutôt à quelques rondes aux pigeons d'argile.

Voila qui peut relancer le débat!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!