Aller hop!
Une petite histoire qui devrait plaire à Chris en lui faisant regretter de ne pas y avoir participé.
C'est l'histoire du sanglier de Méréville....
Méréville, c’était à l’époque un petit village de la Beauce, où les seuls lieux de distraction étaient deux bistrots concurrents.
Nous avions fait de l’un d’eux notre quartier général après pêche, car nous étions un petit groupe de pêcheurs à la mouche sur la Juine, rivière qui traversait le village.
Depuis, tout s’est construit, et le caractère rural a complètement disparu…
Qui dit bistrot, dit piliers de bar, des habitués qui campaient sur le zinc aux heures des sacro saints apéritifs biquotidiens en refaisant le monde et en commentant les évènements politiques :
« Si j’étais le gouvernement…. »
Ils nous payaient aussi à boire, à mon frère et à moi pour, qu'une fois un peu allumés, nous nous mettions à chanter des chansons paillardes (avec tous les couplets) dont ils notaient conciencieusement les paroles dans un cahier bien tenu à jour pour agrandir leur répertoire
Et, ce jour là, ils dissertaient sur un entrefilet du journal local qui parlait de la recrudescence des dégâts dus aux sangliers….
Il faut préciser qu’en ce temps là, les sangliers étaient rares, presque mythiques sur ces territoires de plaine.
Cela a bien changé depuis….
Il y avait, en particulier, un intervenant particulièrement volubile et agité, sans doute échauffé par les multiples Ricard qu’il avait dans le cornet…
»Les sangliers, moi je connais !!!
Les sangliers, ça aime les (h)asperges !(il en oubliait la liaison).
Et moi, j’ai fait un carré de (h)asperges !
Et je sais piéger !
Si les sangliers viennent dans mon carré de (h)asperges, j’ai mis un piège à loup, et ils vont voir !!!
Car je sais piéger…etc, etc….. »
Je ne sais pas pourquoi, mais tous ces commentaires nous ont interpellé….
Sans doute parce que nous étions jeunes, cons, mais facétieux….
Alors nous sommes allés voir, comme ça, par hasard, ce fameux potager, en bordure de plaine, à l’extrémité du village…
Effectivement, son propriétaire avait sommairement installé un énorme piège à mâchoires, tout rouillé, sorti de je ne sais quel grenier.
Et c’est là que notre esprit facétieux, dont je parlais plus haut, s’est réveillé….
On a trouvé un vieux pied tout sec de sanglier, un trophée d’un chasseur….
On est allé à l’abattoir chercher un seau de sang, là où on se fournissait pour pêcher le chevesne l'hiver…
Et, la nuit venue, on s’est tous retrouvé devant le carré d’asperges.
On l’a consciencieusement ravagé, sans oublier de faire des traces partout avec le pied de sanglier, et, pour finir, on a déclenché le piège avec la patte de sanglier et on a versé le seau de sang dessus …
Le lendemain, à l’heure de l’apéritif, on a attendu le « résultat des courses »…
Inutile de préciser que nous avions mis tout le monde au courant de nos exploits nocturnes.
Aussi le propriétaire du carré d’asperges était il attendu de pied ferme….
On l’a vu traversé la place du village en gesticulant comme un fou pour rejoindre le bistrot…
« J’lai eu ! J’lai eu !!
Le sanglier !
Il est venu dans mon carré de (h)asperges et je l’ai piégé !
Moi, je sais piéger !
Eh bien, vous me croirez si vous voulez !
Il s’est rongé la patte pour se sauver »
On a tous fait les étonnés….
« C’est incroyable !
Raconte nous encore…
Patron, servez lui un Ricard »
On lui a fait raconter son histoire je ne sais combien de fois… avec les Ricard qui allaient avec.
Ce que je sais, c’est qu’il a pris ce jour là une « musette » qui doit compter dans la vie d’un ivrogne….
Le coup de grâce a été donné par le facteur (pardon, le préposé comme on dit maintenant) qui, arrivant en retard, mais bien au courant de la plaisanterie, dit à la cantonade :
« Je viens de voir une chose pas banale !
En plein jour, un sanglier a traversé la route de Saclas devant ma voiture…
Eh bien, il n’avait que trois pattes ! »
« C’est le mien !!! C’est le mien !!! »
On lui a reservi un Ricard....
Bien plus tard, on a avoué la supercherie au « piégeur »….
Mais il n’a jamais voulu nous croire……