Un copain qui trouvait qu’il n’avait pas de chance disait souvent : “le jour ou il pleuvra des
concombres, j’en prendrais un dans le cul”...... j’ai l’impression que moi “je suis gréffé sur un
concombre”.......
Il s’appelait Oural, c’était le fils de mon chien Galant, il avait 4 ans, l’année précédente j’avais tué
avec lui 16 bécasses et bien qu’ayant 3 ans, je ne l’avais pas beaucoup fait chasser car je croyais
qu’il n’était pas très bon...... en fait il était sous la domination de son père qui, victime d’une
boiterie due à son age, m’obligea à le laisser au repos et a faire confiance au jeune qui se révéla être
un redoutable bécassier.......c’était en Octobre 2002 j’attendait le début du passage des premières
bécasses pour la fin du mois tout excité à l’idée de la saison mémorable que m’avait fait vivre ce
chien l’an passé en voyant s’approcher la nouvelle.En attendant je parcourais la garrigue en quête
d’un lièvre, quand tout à coup le chien marqua un arrêt bizarre, la tête haute et en arrière...... c’était
une vipère......son mouvement vif de retrait ne lui permit pas d’esquiver la morsure qui se révéla fatale malgré
les soins intensifs prodigués chez le véto.......
Cette année là avec le “vieux” Galant et la chienne de mon père Ophélie (soeur d’Oural) je tuais
quand même 8 bécasses, et je faisais l’acquisition de Timo né le même jour que “l’accident”
d’Oural........ un signe du destin.....
Né le 08/10/2002, trop jeune il ne put chasser cette année là.
L’année suivante le 20/10/2003 son premier gibier arrêté fut une bécasses très coopérative qui se
laissa arrêter 5 fois, et que je tuais au dernier arrêt, rapportée parfaitement, j’avais trouvé le digne
successeur d’Oural, mon chagrin se trouvant ainsi amenuisé par l’enthousiasme des années de
chasses qu’allait me faire vivre Timo...... cette année là (sa première saison) je tuais 9 bécasses, 11
l’année suivante et 15 l’an dernier.....
Le 28/08/2006 soit 15 jours avant l’ouverture en se "chamaillant" avec son fils Athos (15 mois) il
s’est fait un traumatisme cérébral qui l’a privé des l’usage de ses pattes....hospitalisé, puis avec moi
24h/24h au bureau, à la maison, c’est 2 mois de combats que l’on a mené tous les deux...... 2 mois
de stimulations, de massages, de “rééducation”, de soins pour faire disparaître cet escar qui c’était
formé à son épaule, de changes d’alaises pour qu’il soit au propre 4/jours, des couches pour bébés,
un combat pour le faire manger, le faire boire.......
A l’enthousiasme des premiers progrès quand il a retrouvé la sensibilité de 3 pattes, a succédé
l’abattement, quand on a commencé à se rendre compte qu’il ne récupèrerait pas........ après 2 mois
de combat, mon entourage, le véto, tout le monde unanime a réussi à me persuader que ce combat
était vain, que cela n’était que souffrance réciproque......
Samedi dernier je suis parti seul avec Timo, je l’ai amené chez le véto, qui m’a “rassuré” sur la
démarche que je n’arrivait pas à me résoudre de suivre jusqu’au bout, à savoir mettre fin à ce
calvaire......ne pouvant rester avec lui, il m’a regardé sortir de la pièce avec son regard habituel,
plein d’affection et de confiance en son maître....... quand je suis revenu, il avait le même regard.....
le véto me dit : “il a les yeux ouverts mais c’est normal, ne vous inquiétez pas son coeur ne bat
plus....” jusqu’au bout il a regardé en direction de là ou il m’avait vu disparaître......guettant mon
retour, comme à son habitude, confiant dans mon retour rapide qui le rassurerait......
Le retour vers ma campagne ne fut qu’un long sanglot....
J’ai creusé dans mon parc un trou suffisamment grand pour te recevoir et pouvoir planter un arbre
au dessus de toi.......par l’intermédiaire de cet “arbre de mémoire” tu m’entendras certainement dire à partir de Novembre
à ton fils Athos, depuis la terrasse qui surplombe le parc : “ce soir c’est pleine lune, il fait froid, si
ça tourne au Nord......demain ça sera bon.....”
PS: Merci à Jojo 34 et Michel 66 qui m’on encouragé et soutenu via MSN.......
DANS le vieux parc solitaire et glacé,
Deux formes ont tout à l’heure passé.
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.
Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux spectres ont évoqué le passé.
—Te souvient-il de notre extase ancienne?
—Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne?
—Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom?
Toujours vois-tu mon âme en rêve?—Non.
—Ah! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches!—C’est possible.
—Qu’il était bleu, le ciel, et grand l’espoir!
—L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.
Paul Verlaine